Les lauriers pour l’Ukraine de Bernard Anton
Bernard Anton s’est lancé dans l’écriture d’un nouveau recueil poétique. Pour cette sortie littéraire prévue le 3 juin 2022, il choisit la maison de L’Harmattan, une fois de plus. Au sein de l’éditeur, la branche « Les Impliqués » a pour but de brasser des œuvres uniques qui s’éloignent des sentiers battus. Cela permet à Bernard Anton de délivrer son message comme il l’entend, sans devoir entrer dans des cases spécifiques. En effet, grâce à cette liberté, le poète peut organiser son ouvrage. Le livre débute par cinq proverbes ukrainiens, ainsi que la proclamation de la présidente de la Commission européenne au printemps 2022, Ursula von der Leyen. De ce fait, le lecteur comprend immédiatement que cette publication sera centrée autour de la guerre opposant la Russie à l’Ukraine. Certes, le chef d’État russe n’a pas officiellement déclaré la guerre – préférant le terme de « conflit ». Pourtant, la réalité semble bel et bien correspondre à la définition de « guerre ». Si l’on se réfère au Larousse, la guerre est une « lutte armée entre États, considérée comme un phénomène historique et social (s’oppose à paix). » À bien des égards, cette crise diplomatique et militaire a secoué et bouleversé nos vies, même si la France se situe à des kilomètres du champ de bataille. Pour cela, l’art est puissant, puisqu’il permet aux créateurs de contenu de s’engager autrement, sans avoir à brandir un fusil.
Dans ce livre de moins de soixante-dix pages, Bernard Anton s’adresse directement à Volodymyr Zelensky, président élu en Ukraine. Sous forme de haïkus, cette forme que l’auteur apprécie tant – le poète plante un décor apocalyptique.
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Le cauchemar est retranscrit par des images crues et sans filtre, qui sont particulièrement mises en valeur et percutantes, grâce à la brièveté du haïku. Ainsi, chaque scène qui se présente au lecteur s’imprime dans son imaginaire, pour mieux décrire une réalité souvent distordue. D’ailleurs, Bernard Anton n’hésite pas à dénoncer les vices de procédure et même l’hypocrisie. Dans ce haïku qui fait référence à la propagande, l’artiste pointe du doigt l’absurdité de la manipulation des médias : « désinformation/cette pomme est une orange/ce raisin un chou. » Alors que le ton global du livre est sombre et alarmiste, celui-ci transmet également les préoccupations et combats permanents de Bernard Anton, dont son implication pour l’écologie et cette « nature en deuil ». Les « lauriers pour l’Ukraine » forment la première partie du recueil.
La seconde est baptisée « Entre la peau et la pulpe ». Il y règne une mélancolie typique de Bernard Anton, qui s’extasie devant la beauté de l’environnement. Après les atrocités dépeintes dans la première catégorie de l’ouvrage, celle-ci semble plus calme : « près des arbres morts/les pousses vertes les narguent : à nous la vie ! »
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La troisième division du livre correspond aux « Libertades ». Comme en écho à son recueil « Célébrades », Bernard Anton aime inventer, créer des mots et se réapproprier le langage. Dans cette partie très érotique et sensuelle, Bernard Anton se joue des petites scènes ironiques de la vie avec frivolité et espièglerie : « lire dans le train/texte, images explicites/près d’un moine âgé. »
Enfin, les « Jeux de grâce » forment la quatrième section de l’œuvre. Cet admirateur de Brigitte Bardot lui consacre de nouveau ses poèmes. Véritable muse, cet éloge lui vient après le visionnage du film « Les Pétroleuses » (1971, de Christian-Jaque). Chaque angle du recueil se termine par une date, permettant de situer la période à laquelle Bernard Anton a composé ses haïkus.
Enfin, le livre s’achève par « Dysharmonie » et « À la rescousse des masques ». Tandis que l’un des deux est relativement noir et opaque, l’autre est une invitation à la fête : « célébrons l’infinitude de la joie le plaisir éphémère du paraître ! »
Dans la digne lignée de ses créations, Bernard Anton souhaite poser des mots sur des situations exceptionnelles. Lui qui avait déjà explicité le confinement et la pandémie mondiale s’en prend à la tragédie de l’Ukraine. Une dénonciation qui s’épanouit sous la forme d’ode à la vie, permettant au lecteur de profiter d’une lecture intense, qui ne sombre pas dans le pessimisme.
Auteur de plus de cinquante livres, Bernard Anton prouve une fois de plus qu’il se sent à l’aise dans son univers particulier, sensoriel et souvent recentré autour de la nature et de saynètes qui semblent ordinaires, révélant la beauté d’une existence éternelle et de son cycle. Un ouvrage court et touchant, qui plaira aux fans de poésie moderne.